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8 février

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En mille neuf cent soixante-deux, à mon retour des Aurès avec le grade de caporal cousu sur ma manche, j’avais épousé Madeleine à la mairie d’un village de la périphérie roannaise où elle avait jusqu’alors vécu chez ses parents. Sitôt le mariage célébré, nous avions pris la route pour la capitale où j’exerçais l’aimable activité d’employé au guichet d’une puissante banque. En attendant de trouver mieux, nous occupions un minuscule studio dans un quartier populaire dont la vie nocturne et les néons étaient connus et souvent imités dans les coins chauds de toutes les capitales de la planète. Le logement aurait sans doute été parfait pour un célibataire, mais pour un jeune couple c’était loin d’être l’idéal et je sentais dépérir ma mariée. Une année plus tard, au sortir d’une salle de cinéma où nous étions allés voir un pâle western, Madeleine se figea en voyant venir vers nous un couple ami de ses parents dont les aléas de l’existence et les années de guerre les avaient séparés : Marraine et Tonton. Passés les rires, les présentations, les franches poignées de mains, passé le temps du réveil des souvenirs tendres et des larmes abandonnées, nous échangeâmes nos adresses et Marraine nous fit promettre que nous passerions les voir rapidement dans leur banlieue parisienne. Ce que nous fîmes. La visite devint bientôt la tradition de nos dimanches après-midi.

Le trajet n’en finissait plus. Il fallait d’abord prendre le métro, changer deux fois de direction, descendre à la station Pont-de-Charenton et, devant l’hôtel-restaurant « Le petit Caporal » où l’empereur avait jadis passé la nuit, prendre le bus en direction de Maison-Alfort, avant de terminer le voyage par une longue marche à pied jusque chez Marraine et Tonton. Le plus terrible n’était jamais de parvenir jusque chez eux, mais de penser que la conversation de Tonton ne pourrait en aucun cas faire oublier la pénibilité du voyage, et qu’il faudrait de surcroît faire la route à l’envers pour rentrer chez nous à l’autre bout de Paris ! Tout n’était pas négatif cependant. Marraine était experte en pâtisseries, et Tonton habile à dénicher l’élixir qui saurait éveiller nos jeunes papilles et magnifier les pâtes brisées de son épouse.
L’immeuble qui les abritait avait été construit au début des années cinquante. C’était une sorte de gros cube qui ne comptait que quatre étages accueillant chacun cinq ménages. Dès notre première visite, ce qui nous sembla le plus étonnant fut le silence qui y régnait. Ici, contrairement à ce que nous subissions à la capitale, il n’y avait ni cris, ni bruit, ni moteur et pas de klaxon. On nous aurait dit que l’immeuble était désert que nous n’en aurions pas été plus surpris. Une dame chargée de l’entretien passait deux fois par semaine laver les escaliers et les paliers. Entre le calme et les odeurs de propre, en entrant ici nous nous imaginions dans un autre monde. Une autre galaxie.

Marraine, malgré les ans qui ne pardonnent rien, était restée très féminine. Il n’était pas rare qu’on lui accordât vingt ans de moins que son permis de conduire n’en avouait. Elle avait en outre conservé les boucles de ses longs cheveux bruns qui jamais n’avaient eu recours aux teintures. Sa voix claire et flûtée était encore celle d’une jeune femme, et sa manière de regarder les hommes ne prêtait à aucune équivoque.
Tonton, en revanche, était au bout du rouleau. De santé fragile, après avoir dans les tranchées de Verdun essuyé un tir de mortier qui lui avait laissé le rein en déshérence, il avait échappé de peu à la tuberculose, et il n’est pas incohérent d’imaginer que son travail de garçon de recette qui l’avait quotidiennement, pendant des années, obligé à parcourir sur ses mauvaises jambes les rues mal pavées de la capitale pour le compte d’une importante compagnie d’assurance, l’ait usé.

Doucement, d’une semaine à l’autre, nous le vîmes décliner. Un jour, en rentrant fatigué de l’enterrement d’un ami d’enfance, il demanda au fils du défunt comment se portait son père. Un autre, alors que Marraine se plaignait du trop-plein d’eau que la femme de ménage déversait sur le palier au risque de faire travailler le bois de leur porte d’entrée, Tonton lui déclara que la ménagère n’y était pour rien et que c’était lui qui avait uriné sur le paillasson. Une nuit, il se leva en disant qu’il était temps de préparer son cartable pour se rendre à l’école. Peu de temps après, il cessa de participer à nos agapes du dimanche après-midi et se mit à raconter des histoires incohérentes. Selon lui, des hommes vêtus d’une robe rouge et d’une cagoule ne laissant paraître que leurs yeux occupaient son salon où il n’osait plus désormais se risquer.
Il s’éteignit un triste mardi de février, terrassé de panique en montrant du doigt les sièges vides sur lesquels il était le seul à voir ces étranges pénitents !

Après la disparition de Tonton, nos visites chez Marraine s’espacèrent. Quelques mois plus tard, elle nous annonça qu’elle avait mis en vente une propriété de famille dans le Bordelais, et qu’elle comptait désormais faire le tour du monde en profitant de la manne réunie par cette vente, en complétant pour les faux frais avec la retraite de Tonton et son assurance vie. Elle ajouta que sans doute elle prendrait la décision de finir ses jours aux Antilles où elle avait de bons amis, et qu’en attendant qu’elle se fixe il nous serait toujours loisible de lui écrire ici, à Maison-Alfort, la Poste lui ferait suivre le courrier.
En novembre, la banque me proposa un poste de sous-directeur d’agence avec logement de fonction en Bretagne. Trop heureux de quitter Paris, nous acceptâmes la proposition. Nous déménageâmes. Sans doute régénérée par le climat vivifiant des Côtes d’Armor, Madeleine nous donna les deux enfants que nous espérions.
Quelques mois plus tard, je reçus cette lettre que mon ancien logeur avait eu la délicatesse de faire suivre à notre nouvelle adresse :

« Bonjour mes enfants,
Pardonnez ce long silence. Comme je vous l’avais annoncé, je me suis installée en Martinique où je coule désormais des jours heureux au soleil des Caraïbes. J’ai conservé néanmoins le logement de Maison-Alfort. Souvent je pense à vous, si loin et pourtant si proches en mon cœur. J’ai demandé à un notaire de vous coucher sur mon testament. Il saura vous contacter le moment venu. Mais, avant ce jour, j’ai décidé d’offrir à Madeleine une bague en or surmontée d’une tourmaline rose que ma mère m’avait offerte pour mes dix-huit ans. Pour la récupérer, il vous suffira de vous rendre au Petit Caporal. Vous demanderez à voir le gérant, Monsieur Meilland. Je lui ai fait un courrier. Il vous attend. Il vous donnera la clé de l’appartement où nous avons ensemble passé de si jolis dimanches. Vous trouverez cette bague dans la petite boîte à bijoux en nacre bleue qui est posée sur un des rayons de la bibliothèque. Portez-vous bien l’un et l’autre.
Je vous aime.
Marraine. »

Profitant d’un week-end prolongé, j’abandonnai Madeleine et les enfants en Bretagne pour réaliser ce que la lettre disait. Je pris le train pour Paris, puis je me rendis au Petit Caporal. Je me fis connaître de Monsieur Meilland qui sembla ravi de me voir. Il me donna sans difficulté la clé, me serra la main, et discrètement s’effaça sans poser la moindre question. Quelques minutes plus tard, j’ouvris la porte du logement. Les souvenirs me submergèrent instantanément, et je dus faire un effort pour contenir mes larmes. Rien n’avait bougé. Il me sembla que Tonton allait m’accueillir avec une de ses fameuses bouteilles, et je jure que l’odeur des délicieuses tartes de Marraine était encore présente dans ce bel appartement désormais vide. La boite à bijoux fut rapidement trouvée. La bague semblait m’attendre. L’objet était sobre et beau. Je le mis dans ma poche, et au moment de repartir, comme pour me rappeler une dernière fois les merveilleux instants que nous y avions vécus ensemble, je jetai un œil en direction du petit salon. Des hommes, en robe rouge et le visage masqué d’une cagoule ne laissant voir que leurs yeux, s’installaient autour de la table.
Je jure qu’ils me regardaient.

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