Mon cher journal

Quel sale petit con, ce Kevin ! Y a des torgnoles et des coups de pieds au cul qui se perdent, comme disait mon grand-père, qui n’a jamais levé la main sur qui que ce soit, même quand il était rond comme un boulon au sortir de la réunion des actionnaires du 421 chez Bar-Tabac et qu’un lecteur du Figaro venait lui faire la morale.
Mon cher journal

J’ai regardé jusqu’au bout Clint Eastwood semer sa zone dans un bled de crapules en échange d’une poignée de dollars, puis j’ai éteint la télé. La lumière du poste a persisté quelques instants avant de disparaître, en emportant le fantôme de l’intrépide cavalier. La nuit a toutes les chances d’être courte.
Mon cher journal
Avant de bosser dans le poste, je faisais comme les copains : je regardais ce qui passait dedans. Je suis de la génération de la télévision qui a commencé à se décoincer… Il n’était pas encore question d’y programmer en feuilleton les aventures de « Janine et son canard coquin », mais le rock and roll et les déhanchés de Johnny y étaient entrés.
Mon cher journal

Sans trahir ma banque de souvenirs lamentables, je me dois de reconnaître que j’ai fréquenté pas mal de brise-noix. Quelques meutes sauvages de zinzins. Des chiants et des chieurs. De fieffés emmerdeurs de tous âges et de tout poil, auxquels j’ajoute plusieurs légions d’importuns sans orgueil qui n’ont pas d’horaire, pas de jour, pas de lieu ni aucun interdit destiné à les empêcher de pourrir l’existence du clampin : votre serviteur !
Mon cher journal

Pendant que Clarabelle, son épouse, se refaisait les lèvres et se donnait un coup de peigne à la salle de bains, il eût la malencontreuse idée d’aller soulager sa vessie dans le bac de l’évier de la cuisine.
Mon cher journal

Les jours filent à une vitesse phénoménale. Au moins six fois plus vite que d’habitude. Et plus ça va, et moins ça va. Je n’ai plus le temps de rien ! Toujours un bidule en retard, un truc à rattraper. Mais même en m’appliquant, même en me dépêchant, même en retardant ma montre pour faire comme si j’avais encore du temps devant moi, je sais que je ne parviendrai plus à être à jour.
Mon cher journal

Lorsque le responsable du room service, apportant le thé et les croissants du petit déjeuner, a ouvert la porte de la suite royale, il a fait un bond. Dans la cage dorée à l’or fin…
Bon, attends. Faut d’abord que je te raconte ce qu’il s’était passé la veille.
Mon cher journal

Depuis quelque temps, ils ont pris racine au zinc de Marcel. Chaque dimanche après la messe, ils rappliquent, boivent un coup et rentrent chez eux. À les regarder de près, on les croirait échappés d’un autre siècle. Lui avec sa montre à gousset, son gilet bleu passé aux antiques boutons de nacre, sa veste et son pantalon paille en velours côtelé.
Mon cher journal

Salut les gens.
Je vous écris de mon téléphone portable puisque là où je suis mon ordinateur refuse de travailler ! Ah la sale bête !!!
Du coup demain mercredi je ne pourrais pas faire partager à mon Journal Secret mes états d’âmes.
Mon cher journal

Que n’ai-je lu, vu, entendu sur le conflit qui jadis opposa l’archer Guillaume Tell au bailly Gessler ? On fit de ce dernier un monstre, une sorte de Gilles de Rais, une créature de Frankenstein, un oberscharführer, pour une sombre histoire de chapeau suspendu en haut d’un mât, qu’il intimait à chacun de saluer. Pourtant…